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Réflexions entrepreneuriales

Structure et culture de l’innovation : comment digitaliser une organisation ?

Une fois qu’on a appris les techniques de base pour communiquer sur les réseaux sociaux, on est susceptible de se retrouver face à un autre problème. Celui de ne pas pouvoir appliquer ses idées au sein d’une organisation rigide qui ne permet pas (encore) l’innovation par l’essai-erreur.

De fait, il est nécessaire d’avoir révolutionné la structure interne de l’entreprise, et lui prodiguer une culture interne lui permettant de vraiment s’essayer aux réseaux sociaux. Cela passe par diverses étapes, que je vais tâcher de vous énumérer ici.

Note : Ce chapitre est le 8è d’une série de cours sur le Social Media, dont le sommaire se trouve ici, ainsi que d’un cours d’Initiation au Management 2.0, dont le sommaire se trouve là.

Paradigme : les outils à usage personnel ont révolutionné le monde professionnel

C’est le point de départ (qui a depuis été galvaudé, nous y reviendrons) de la réflexion que le top management d’une entreprise doit intégrer dans son système de pensée.

1946 : L’ENIAC, le premier ordinateur commandé en 1942 par l’armée américaine, afin d’effectuer des calculs de balistiques.
1946 : L’ENIAC, le premier ordinateur commandé en 1942 par l’armée américaine, afin d’effectuer des calculs de balistiques.

Celui de reconnaître que contrairement à une époque où l’ordinateur ou la messagerie étaient d’abord inventés par et pour des organisations scientifiques ou professionnelles avant d’être mises en place chez les particuliers, aujourd’hui de nombreux outils qui ont révolutionné les entreprises ont d’abord été créés pour des particuliers.

Facebook en est l’exemple le plus flagrant. Les réseaux sociaux axés sur le divertissement ont par exemple inspiré les réseaux sociaux d’entreprises.

Les comptes Twitter et profils Facebook personnels ont poussé les entreprises à créer des profils professionnels pour la communication externe.

Par conséquent, l’entreprise doit effectuer une veille sur ce qui émerge en termes d’usages personnels. Ce point de départ entraîne une autre réflexion : celle de reconnaître que l’innovation peut venir de nulle part, sans avoir été forcément commandée ou financée.

 

Postulat de départ : ne pas évoluer, c’est disparaître

Nouveaux marchés, nouvelles technologies, nouveaux enjeux… beaucoup de raisons poussent les entreprises à évoluer, que ce soit par strates successives ou par de véritables révolutions. Ne pas accepter l’idée de changer, ou en avoir peur pour des raisons de stabilité, c’est être amené à décroître, tôt ou tard.

Il y a plus d’un obstacle qui peut nous pousser à ne pas entamer un processus de changement. Il faut convaincre les employés, les décideurs, les clients, les actionnaires, les parties prenantes, les collectivités publiques, etc… Bref, tout est fait pour nous décourager à évoluer. Mais le prix a payer, représenté par l’effort à faire, peut avoir des retombées inespérées en terme de croissance, de bénéfices, et d’efficience.

La théorie de Darwin, qui s'opposait à celle de Lamarck
La théorie darwiniste de « sélection naturelle », qui s’opposait au « transformisme » de Lamarck

Nous partirons donc du postulat qu’une organisation qui souhaite mettre en place une stratégie Social Media et communiquer sur les réseaux sociaux est une entreprise qui doit accepter d’innover.

Attention toutefois, il ne faut pas simplement innover pour innover, mais répondre à un objectif défini (compétitivité, modernisation, croissance, conquête d’une nouvelle cible, etc…). L’innovation doit répondre à une stratégie définie, de même qu’elle pousse à définir de nouvelles stratégies !

« It is not the strongest of the species that survives, nor the most intelligent that survives. It is the one that is the most adaptable to change. »

 

La bataille externe se gagne d’abord en interne

Devenir une marque sociale et digitale ne passe pas seulement par une communication bête et méchante sur les plateformes sociales. Le processus doit intégrer une vraie (r)évolution dans la structure et la culture interne de l’entreprise pour que la magie prenne.

La digitalisation des points de vente ou de la relation client passent d’abord par un audit interne de la culture de l’entreprise et de sa structure, afin de savoir si l’organisation peut porter la digitalisation. Parce que pour qu’elle puisse soutenir les projets, il faut qu’elle ait intégré l’intérêt du digital et y avoir pris goût. Voyons tout d’abord le cheminement théorique qu’une entreprise typiquement hiérarchique devrait suivre pour adapter son organisation aux modes managériaux actuels.

D’une bureaucratie mécaniste à une adhocratie à la Mintzberg

Henry Mintzberg, né en 1939, ingénieur de formation, est un professeur à l’université McGill de Montréal. Il est le représentant principal de l’école de la contingence, qui est un courant rattaché à la théorie des organisations.

L’école de la contingence tente d’expliquer l’influence qu’ont des variables liées à l’environnement sur l’organisation. La structure de l’organisation serait donc dépendante de la nature de l’environnement. Par ailleurs, Henri Mintzberg explique que l’organisation résulte également des buts que se fixent les dirigeants. En d’autres termes, dans l’école de la contingence, l’organisation est le produit de forces externes et internes.

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Bureaucratie mécaniste selon Mintzberg.

 

La première étape de conduite du changement consiste à reconnaître qu’il faut débureaucratiser l’organisation. Qu’elle soit mécaniste ou professionnelle, l’idée est d’admette qu’il faille la faire tendre vers une structure adhocratique.

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L’adhocratie

La structure adhocratique (ad hoc, répondant à un besoin) s’apparente selon Wikipédia à une organisation « qui mobilise, dans un contexte d’environnements instables et complexes, des compétences pluridisciplinaires et transversales, pour mener à bien des missions précises (recherche d’efficience, lancement d’un nouveau produit, etc…) ».

Selon Mintzberg, voici ses caractéristiques propres :

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Elle se définit par des caractéristiques propres :

  • spécialisation des tâches horizontales basée sur une formation solide de la part des acteurs (experts…)
  • une tendance à regrouper les professionnels dans des unités fonctionnelles pour atteindre les objectifs fixés
  • une tendance à les disperser en petites équipes pour réaliser leur projet (management par projet)
  • l’ajustement mutuel est le mécanisme de coordination clé, à l’intérieur et entre les équipes.

Autrement dit, le pouvoir est basé sur l’expertise, il est caractérisé par un leadership de l’intrapreneur, mais est décentralisé au bénéfice d’une organisation organique et matricielle, dans un contexte d’innovation et d’environnement très changeant.

Dans cette structure, les informations et les processus de décision circulent de façon flexible et informelle pour promouvoir l’innovation.

Ce type de structure s’oppose dès lors de plein fouet aux organisations classiques, marquées par une ligne hiérarchique très verticale. Par ailleurs, l’adhocratie se démarque par un ajustement mutuel, qui nous amène au point suivant.

 

D’une école de la planification vers une école de l’apprentissage

A l’inverse de l’école de la planification, qui implique la mise en place par le top management d’une stratégie résultante d’un processus contrôlé, conscient, formalisé et détaillé suivi d’une application contrôlée, l’école de l’apprentissage défend l’idée que le monde est trop complexe et incertain pour que la stratégie puisse s’élaborer de manière normée (diagnostic, prescription, puis mise en oeuvre).

Au contraire, le processus de décision résulte selon cette école d’une approche incrémentale, qui fait la distinction entre la stratégie projetée et la stratégie effectivement réalisée.

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  • La stratégie réalisée est celle que l’on constate a posteriori, et qui est le fruit de la stratégie projetée et de la stratégie émergente.
  • La stratégie émergente est une stratégie non prévue qui est le fruit du comportement effectif des acteurs et de l’imprévu. D’ailleurs, une part de la stratégie projetée n’est pas réalisée.
  • Enfin, la stratégie délibérée est le fruit du contrôle, qui vérifie que la stratégie projetée est bien réalisée.

Nous avons donc selon cette école une stratégie qui est en partie le fruit de l’émergent et de l’incrémental : c’est l’apprentissage. La stratégie se construit par conséquent pas à pas, à mesure que les décisions internes et les événements externes s’ajoutent.

C’est une école qui prend en compte la subjectivité et les interactions inter-individuelles au sein des entreprises. Bref, une entreprise flexible, orientée 2.0. Ce qui nous amène logiquement au collaboratif.

 

Du salariat vers le collaboratif

Améliorer ses performances 2.0 tout en refusant d’accepter le 2.0 au sein de son organisation peut sembler risqué. C’est pourquoi, une fois acceptée l’idée de basculer d’une organisation basée sur l’école de la conception ou de la planification vers quelque chose de plus incrémental, reste l’application pratique. A savoir : casser le lien hiérarchique vertical pour basculer vers quelque chose de plus horizontal.

Autrefois marqué par l’obéissance et la hiérarchie verticale, le management tend à muer vers une forme de collaboration transversale où la valeur recherchée est la valeur ajoutée, la compétence, le talent et l’expertise, préférentiellement au présentéisme, l’ancienneté ou le réseau. Nous allons vers l’obligation de résultats, au détriment de l’obligation de moyens.

Dès lors, le salarié est amené à prendre des initiatives, gérer ses tâches, faire preuve d’autonomie et prendre des responsabilités.

Organisation de la Recherche et Développement chez Google
Organisation de la R&D chez Google, caractérisée par une ligne verticale courte

Les deux avantages majeurs de ce genre d’organisations sont les suivants :

– L’innovation peut venir de n’importe où. La hiérarchie ne doit PAS bloquer la créativité, mais plutôt traiter toutes les idées qui lui remontent.
– Les clusters et groupes de travail permettent de créer une intelligence collective et partagée (ce qui nous amène au cloud computing et à la synchronisation des données stockées).

 

Du collaboratif épaulé par une culture d’entreprise 2.0

Ce n’est plus un secret pour personne, la culture d’entreprise est un actif stratégique pour l’entreprise, un facteur de croissance et une influence sur les comportements organisationnels.

Définie par Renaud Sainsaulieu (l’identité au travail, 1977) comme « le réservoir intériorisé, transmis et soigneusement élaboré par l’histoire d’un ensemble de valeurs, de règles et de représentations collectives qui fonctionnent au plus profond des rapports humains », la culture d’entreprise peut constituer un levier de performance en permettant par exemple un style de management informel qui encourage la prise d’initiative et la proximité.

Elle peut en outre booster la motivation des collaborateurs, qui trouvent un sens à leur travail dans le cadre d’une action collective. Elle rapproche les individus en communauté, tantôt preneuse d’initiative, tantôt défensive s’il le faut.

 

Le tout saupoudré d’un zeste de vision entrepreneuriale

L’école entrepreneuriale (Schumpeter, Collins et Moore, Bennis) souligne l’importance de l’intuition, de l’expérience et de la perspicacité de l’entrepreneur. Sa « vision » est une valeur stratégique non quantifiable, et il centralise en sa personne une grande partie du pouvoir. Steve Jobs est un exemple phare de ce modèle.

A défaut d’un Steve Jobs, nous nous contenterons dans cette démonstration de suggérer l’apport d’un intrapreneur ou d’un lab d’innovation au sein de l’organisation.

L’école entrepreneuriale va à l’encontre des organisations lourdes où les décisions qui doivent être approuvées (ou pas) par toutes les parties et qui résultent d’un brouhaha d’intérêts. En terme d’innovation et de changement, elle présente certes des risques, mais a le mérite d’opérer des changements en profondeur, sous l’égide d’un manager charismatique.

 

En pratique : quels moyens pour parvenir à ce type d’organisations flexibles ?

Des ressources humaines adaptées à la nouvelle économie

Evidemment, le recrutement ne se fait pas d’un seul coup. Mais dans le cas de remplacements par exemple, il s’agit d’avoir une attention particulière sur l’attrait des candidats pour les outils collaboratifs, les nouveaux médias, et l’ouverture d’esprit sur ces sujets-là.

 

Des développeurs compétents, le nerf de la guerre

Dans l’économie numérique actuelle, le code est roi. Et dans un objectif de flexibilité, on imagine mal une organisation en quête d’innovation incrémentale continuer de travailler avec des sous-traitants, en off-shore, ou des jeunes auto-entrepreneurs.

Les développeurs intégrés dans les entreprises permettent le changement incrémental, mutuel, interactif, dynamique et en continu.

Il faut une vraie stratégie de recrutement qui prenne en compte les besoins en développement (et pourquoi pas une API, si cela peut constituer un atout pour votre business).

Chiqui Esteban de Lainformacion au GEN News Summit 2012

 

Des veilleurs et créateurs de contenus

Dans l’économie numérique actuelle, le contenu est roi. Et pour des raisons diverses. A commencer par les enjeux SEO, qui peuvent vous permettre de vous positionner sur des mots-clés tapés par vos prospects. Mais aussi pour des raisons liées à ce qui fait l’essence d’Internet : le partage. Plus vous partagerez (sur votre blog institutionnel par exemple, mais aussi sur les réseaux sociaux), plus vous gagnerez en retour.

Le premier exemple que je pourrais citer est celui de France Télévisions. Impulsée par Bruno Patino, la stratégie consistait à embrasser les codes du web, en verrouillant le moins possible le système. Ainsi, les meilleurs passages de l’émission On est pas couché se sont retrouvés sur Youtube, comptabilisant des millions de vues, et faisant littéralement buzzer le programme auprès d’un public qui ne regardait pas forcément France 2 à cette heure-là.

Bruno Patino avait d’ailleurs résumé la stratégie de France TV en ces termes-là lors de son intervention au GEN News Summit 2012 :

  • Ne pas verrouiller le système
  • Être partout
  • Ajuster en permanence
  • Ne pas avoir peur des réseaux sociaux

L’autre exemple est celui de Gary Vaynerchuk, qui a fait fortune en transformant le magasin de spiritueux de son père en un site web de vente en ligne de vins, est assez parlant. Une partie de son succès est liée à la médiatisation qu’ont reçu ses chroniques quotidiennes de dégustation de vins qu’il diffusait en podcast sur son vidéoblog Wine Library TV. Auteur de « How to Tell Your Story in a Noisy Social World », il défendait lui-même à la conférence LeWeb 2013 le modèle du give : « donnez avant de vendre ».

Par conséquent, la présence sur votre marché par la création et le partage de contenu (fait d’annonce corporate, de signaux envoyés au marché, d’innovations dans votre domaine, d’avis sur tel ou tel produit lié à votre activité, de relais d’informations pertinentes, etc) est l’une des façons pour l’organisation de se digitaliser de l’intérieur, pour l’intérieur.

 

Une volonté affichée du top management

On a beau vanter les mérites d’une organisation horizontale, il n’y a pas de cap sans capitaine. Par conséquent, aucune digitalisation ne peut se faire sans l’adhésion préalable et le soutien total de la direction. Ceci présuppose que le top management est déjà formé aux outils collaboratifs, ou qu’il faille le former. Le résultat doit être le même : les dirigeants de l’entreprise doivent montrer l’exemple, et soutenir les projets digitaux internes.

Montrer l’exemple, mais comment ? En communiquant par exemple sur Twitter, pour y représenter fièrement son entreprise, envoyer des signaux au marché, et « jouer le jeu » du digital.

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Soutenir les projets, de quelle manière ? En envoyant des mails pour rappeler l’intérêt de tel ou tel projet, et en étant à l’écoute des inquiétudes de chaque collaborateur sur telle ou telle transformation. Ce qui m’amène au point suivant.

 

Des formations et des séminaires

Nul ne peut entraîner le changement par l’opération du saint esprit. La digitalisation ne doit pas être une oeuvre idéaliste imposée aux collaborateurs.

« Personne n’aime les missionnaires armés », disait Robespierre.

Dès lors, il s’agit d’informer et de sensibiliser les managers et les opérationnels à l’intérêt de la digitalisation. En leur expliquant le caractère indispensable, garant de la survie de l’entreprise, face au contingent. Mais aussi en leur montrant les opportunités et le plaisir qu’il y a à en tirer. Puis en écoutant leurs craintes sur le sujet.

Cela passe par des séminaires coûteux mais nécessaires, pour éviter une résistance au changement, et par la mise à disposition des outils nécessaires à l’apprentissage des nouvelles pratiques (tablettes pour les commerciaux qui vendent un produit digital par exemple).

 

La mise en place d’un réseau social d’entreprise

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Rien de mieux pour favoriser l’échange, la collaboration, et pour créer une base de données commune, une « histoire » de votre data. Dès lors, et sur la base du sentiment « d’estime de soi », la rétention d’information sera minimisée au profit de la connaissance commune. Il sera bien plus facile de retrouver un process ou un vieux contrat plutôt que de demander à tel ou tel collaborateur s’il l’a rangé quelque part.

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La création d’un « Lab »

Extension de la boîte à idées, le Lab est une allocation de ressources humaines et financières, définie en amont, et qui va tenter en respectant le budget adopté la mise en place de projets innovants. Sur 10 projets, un seul va peut-être avoir du succès. Mais ce succès sera peut-être un nouvel asset stratégique pour l’entreprise, ou son nouveau produit phare !

 

Les risques

Cette digitalisation n’est pas sans risques, et elle présente certains écueils que je vais décrire ci-après.

Le culte du cargo

Définition du culte du cargo

Déjà développé sur ce blog, le culte du cargo se définit comme l’imitation inefficace du voisin. A l’origine, le Culte du cargo est un ensemble de rites aborigènes qui sont apparus en réaction à la colonisation. L’un de ces rites consistait à imiter les opérateurs radios américains et japonais commandant du ravitaillement en espérant déboucher sur les mêmes effets.

Ignorant totalement tout le processus de production qui précédait la livraison des vivres, les indigènes constatèrent que les radio-opérateurs des troupes au sol obtenaient l’arrivée de navires ou le parachutage de vivres et de médicaments simplement en les demandant dans leur poste radio-émetteur.

Cette constatation a amené les aborigènes à imiter le processus en construisant, de leur mieux, de fausses cabines d’opérateur-radio — avec des postes fictifs — dans lesquels ils demandaient eux-aussi — dans de faux micros — l’envoi de vivres, médicaments et autres équipements dont ils pouvaient avoir besoin. Ils iront même jusqu’à construire de fausses pistes d’atterrissage en attendant que des avions viennent y décharger leur cargaison.

Ceci nous amène alors au questionnement suivant : ne sommes-nous pas parfois conduits à appliquer des méthodes par mimétisme, sans réelle réflexion sur le bien-fondé de nos démarches ?

Le culte du cargo peut expliquer ainsi certains comportements mimétiques en informatique (copier-coller de code source sans l’adapter), en finance de marchés (bulles financières), en bien sûr en Social Media.

 

Le culte du cargo en Social Media

Dans la digitalisation de l’organisation, le culte du Cargo s’apparente à l’effet Panurge, où l’on fait des choix tête baissée sans faire un véritable travail de fond et d’analyse. Alors certes, nous avons passé du temps ici à vanter les mérites de l’innovation incrémentale. Toutefois, le piège est de se laisser entraîner dans toutes les nouveautés qui soient quitte à s’éparpiller et devenir médiocre dans tout.

Ainsi, on a pu voir des médias vendre des campagnes QR codes qui n’ont jamais marché, mais qui se cachaient derrière l’argument selon lequel ce genre de dispositifs envoyait au marché la preuve que la marque était digitale et innovante. Or, en vendant des dispositifs qui ne font pas vendre, le retour de bâton risque d’être dur à encaisser à moyen terme.

De même, les allocations de ressources et d’argent sur de nouveaux réseaux sociaux peu pertinents pour certaines marques sont de la perte de temps, d’argent et de crédibilité. L’exemple actuel de Snapchat est criant : toutes les marques s’arrachent les cheveux pour savoir comment tirer profit du succès de cette application, plutôt que de se demander s’il est vraiment pertinent d’essayer de relier sa marque à un service de messagerie…

 

Comment s’affranchir des pièges liés à l’imitation inefficace ?

  • Privilégier le management de l’innovation
  • Apprendre à imiter : ce qui revient à comprendre les ingrédients qui ont mené au succès de celui qu’on imite. Imiter le comportement sans comprendre les raisons structurelles et organisationnelles qui ont permis à la marque de rencontrer le succès, et sans reprendre la chaîne du valeur du concurrent, revient à faire ce qu’on fait les aborigènes avec les radio-opérateurs.
  • Renforcer la stratégie en faisant le l’intelligence économique : l’idée est de s’emparer des informations blanches (70%) et grises (25%).
  • Doser imitation et innovation : un cas classique d’imitation-innovation est l’iPad d’Apple, inspiré des tablettes déjà existantes depuis plusieurs années mais qui n’avaient suscité aucun engouement. Pour comprendre le succès de l’iPad, il faut intégrer des ingrédients que seul Apple pouvait se targuer de détenir : une R&D à la pointe, un marketing de haute volée, un leader star et autocratique (voir la théorie de l’école entrepreneuriale), des consommateurs-ambassadeurs fortement engagés, une période post-iPhone propice au succès d’une tablette, etc…

 

Surestimer l’apport des réseaux sociaux et du digital

La recherche du ROI à tous prix est l’un des biais cognitifs susceptibles de freiner l’innovation digitale dans votre organisation. En effet, le Retour sur Investissement comme contrainte impose une vision court-termiste de la stratégie de l’entreprise. Le court terme peut constituer une facette de la stratégie globale, loin s’en faut, mais il est de notoriété publique qu’il est préférable de s’en affranchir lorsque l’on souhaite mettre en place des projets à portée digitale, principalement pour deux raisons :

  • La première, c’est que l’innovation par l’incrémentation présuppose l’essai, donc l’échec, et l’imprévu. Ce qui laisse peu de place à des choix basés sur la seule projection économique, dans un contexte innovant et incertain. Elle implique donc une allocation – évidemment limitée et contrôlée – de ressources financières et humaines dont on sait à l’avance qu’il est difficile de savoir quel projet innovant va sortir gagnant. Sur 10 projets, seul quelques-un seront susceptibles de créer de la valeur (et de rembourser les échecs des autres). Imposer un ROI à son lab d’innovation est donc contre-nature.
  • La seconde raison, c’est que le digital impose parfois une vision de long terme, et souvent une remise en cause permanente de son business model. Mieux que mille mots, le déclin de Kodak parle de lui-même. En inventant le numérique mais en freinant son avènement parce qu’elle le voyait comme une menace pour sa rentabilité de court terme générée par la pellicule, la marque a laissé le marché à d’autres concurrents qui se sont chargés de propulser les argentiques au rayon vintage des appareils photos.

En des termes simples, la recherche à tous prix du ROI bride littéralement l’innovation digitale.

 

Conclusion : du devoir d’innover, même quand tout va bien

Une structure orientée 2.0, c’est une structure à même de répondre aux enjeux du digital, aussi bien en termes de performance, de créativité, d’innovation que de satisfaction client.

Une culture orientée 2.0, c’est l’un des facteurs clés de succès permettant d’arriver à une organisation flexible et orientée 2.0, et c’est soit dit en passant un avantage non négligeable en termes de marque employeur, permettant à l’entreprise d’attirer des profils « digitaux » issus de la Génération Y.

« Le plus grand risque, c’est de n’en prendre aucun. »

La prise de risque – évidemment contrôlée, budgétée et limitée – constitue au pire des cas une provision, dans le meilleur des cas la survie à long terme. Dès lors, le choix est vite fait.

L’un des exemples les plus connus de prise de risque est celui de Facebook avec ses changements de présentation récurrents qui remettent le réseau social au centre des préoccupation de ses utilisateurs et qui ne leur laissent pas le temps de se lasser d’utiliser le service :

Le nouveau Facebook vu de l'utilisateur

 

Mais on pourrait également citer la remise en question par Aimé Jacquet de la composition de la sélection nationale en 1996, avec la mise en ban des cadres de l’équipe de France (Cantona, Ginola) au bénéfice d’une équipe plus jeune (Zidane) basée sur le jeu collectif. A l’époque ce changement de stratégie a été une surprise pour les analystes. Mais la suite de l’histoire, nous la connaissons.

 

Enfin, un autre exemple marquant est celui de François Mitterrand qui, à l’encontre de tous les sondages, affirme être contre la peine de mort. Ce positionnement risqué va lui faire gagner des voix dans l’opinion publique, qui voit en lui un candidat qui a une vision et qui ne se positionne pas en fonction des sondages.

Une prise de position qui se rattache clairement à l’école entrepreneuriale (vision du chef) et qui se veut anti-planificatrice et anti ROI de court terme. Un positionnement qui, là aussi, va lui être de bon augure.

 

L’innovation par la confrontation des idées

Il n’existe pas une solution, une réponse aux questions innovantes. L’innovation est par solution le fruit empirique d’ajustements et d’essais de la part des acteurs du marché. La fable de l’éléphant illustre très bien cette confrontation des idées qui fait avancer le schmilblick.

Des savants aveugles cherchent à compléter leur savoir et découvrir ce qu’est un éléphant par le toucher.

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« L’un saisit sa jambe et en conclut qu’il s’agit d’un arbre. Le deuxième attrape sa queue et pense que c’est un fouet. Le troisième touche la trompe de l’éléphant et affirme que c’est un tuyau, et le quatrième tapote son flanc et décrète que c’est un mur, etc… »

L’homme sage leur dit : « Vous avez tous raison. »

Cette métaphore peut décrire l’évolution du web, où chacun pense avoir raison selon son expérience, où chacun avance à tâtons, dans des trajectoires parfois contradictoires. Au final, malgré les différences d’opinion, tout le monde a raison et tous construisent le web de demain par l’empirisme, l’ajustement permanent et incrémental, l’analyse et le débat.

Ce qui nous amène à conclure que l’adaptation au bouleversement entraîné par les Technologies de l’Information et de la Communication (perçues parfois comme une menace) se fait par l’innovation, la confrontation d’idées et l’empirisme.

Il s’agit donc pour l’entreprise de considérer les médias sociaux comme une opportunité (de communiquer avec ses clients, de faire de certains nos ambassadeurs, de désengorger les SAV, de renvoyer une image actuelle et moderne, etc…), d’être réactif, de tester et d’ajuster en permanence.

Chapitre 9 (Social Media) : Du nombrilisme des réseaux sociaux »
Chapitre 9 (Management 2.0) : Atténuer les effets d’agence dans l’externalisation digitale »

« Chapitre 7 (Social Media): Conseils et bonnes pratiques pour Instagram
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3 réponses

  1. Je vous remercie vivement pour cet article fort intéressant !
    J’accompagne les opérationnels dans la transformation digitale de leur métier, je travaille de façon très intuitive et bon sens, et je retrouve dans votre article des piliers de mes interventions.
    Bien à vous, juliette

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