Publicité, communication, stratégie : et si l’authenticité et le retour aux racines étaient le nouveau cheval de bataille des marques ?
Note : Ce chapitre initialement publié en 2018 fait partie d’une série de cours sur le Social Media, dont le sommaire se trouve ici.
En 2012, je vous racontais mon ressenti quant à la tendance du nombrilisme et de l’égo-trip sur les réseaux sociaux. Une mode qui fut un véritable raz-de-marée, au cours de laquelle chacun s’est mis à raconter sa propre vie au travers des réseaux sociaux et de son smartphone, relayant le dialogue et l’échange, aussi bien gratuit qu’intéressé, au second plan.
Un filon dès lors sur-exploité par les marques, à commencer par des applications telles que Snapchat et Instagram, qui ont tout fait pour que l’utilisateur soit starifié au maximum.
Aujourd’hui, accompagnant ce mouvement d’individualisation exacerbée, il y a fort à parier qu’une nouvelle tendance soit en train d’éclore.
A l’aune de la destruction ressentie des nations et de la remise en question de la mondialisation, et dans un mouvement de retour aux sources plus ou moins orchestré, les consommateurs auront probablement besoin de repères et de différenciation.
Après la standardisation des mœurs, de la nourriture et de la mode, viendra le temps de l’affirmation de soi, de la remise au goût du jour de certaines coutumes locales, et d’une promotion assumée d’authenticité, quelle qu’elle soit, d’où qu’elle vienne.
Maintenant tous les centres-villes de France c’est les mêmes
Les mêmes putains d’Fnac, Mc Do, Foot Locker, Célio, Zara, H&M.Orelsan, Changement
Lassés de retrouver les mêmes produits à Paris, Bordeaux ou Bruxelles, le consommateur aura toutes les raisons de réclamer de l’originalité et de l’authenticité. Et ça, certaines marques l’ont bien compris.
La recherche du Moi inimitable
Je vous ôte tout espoir de ce côté-là : l’égo-trip est bien là et ne risque pas de disparaître pour le moment. Et dans cette envie de briller par l’image et l’apparence, le Moi devient Roi. Et qui dit Moi et Roi, dit unicité et singularité.
Cette quête de la singularité devrait ainsi faire la promotion de l’originalité, l’authenticité et la qualité, qu’elle soit dans le style vestimentaire choisi, l’adoption de certaines pratiques, l’utilisation de certains outils, et la consommation en général.
Que ce soit dans l’univers de la publicité, de la communication ou de la mode : l’authenticité a déjà commencé à être la nouvelle marque de fabrique des enseignes.
De la volonté d’être intégré dans des communautés
A l’heure où nous vivons dans un monde ultra-connecté, difficile de vivre en ermite. Le moi inimitable n’est donc pas incompatible avec l’intégration dans des communautés. Et il s’agira bien de communautés au pluriel, où l’individu passera de l’une à l’autre sans complexes, et sans attaches. La satisfaction du Moi devra passer avant tout autre chose.
L’individu pourra alors embrasser les codes de l’une ou de l’autre communauté, et changer rapidement d’humeur et de modes de consommation. L’agent deviendra alors très volatile, et le fidéliser devra passer par des solutions ultra-fonctionnelles et rapides, des promotions, un support premium et… un positionnement fort ! Qui passe alors par l’authentique et l’originel.
Le retour du nationalisme…
Que l’on soit pour ou contre, on ne peut nier le retour au pouvoir des nationalismes. De nombreux pays dans le monde ont vu émerger des gouvernements d’extrême-droite ou alliés avec l’extrême-droite, ainsi que des mouvements populistes.
Ces mouvements, qui constituent une réaction à la mondialisation qui a marqué les esprits avec plus ou moins de succès, s’attachent à un retour aux frontières, au souverainisme, à l’identité nationale, et à des valeurs moins “progressistes” sur le plan sociétal.
Les victoires emportées par ces mouvements politiques ont-elles pour autant de l’influence sur le mode de consommation des agents ? Rien n’est moins sûr. Toutefois, il y a une ambivalence qui vaut la peine d’être mise en lumière…
Dans l’esprit des mondialistes, chaque pays ne serait qu’un passage, un “hôtel” dans lequel on poserait les pieds temporairement.
Dans ce contexte ultra-globalisé, les villes et les mégalopoles cosmopolites sont devenues des concurrentes directes des Etats. Quitte à remplacer la culture nationale par une culture cosmopolite urbaine, façonnée par diverses influences.
N’avez-vous pas remarqué cette tendance sur les réseaux sociaux à se réclamer de plusieurs villes (NYC, Paris, Dubai…), plutôt que d’une origine ?
Or, ce mode de pensée multiculturel, urbain et détaché des racines, va totalement à l’encontre de la tendance actuelle qui se caractérise par un retour aux sources, par le “made in France”, et par le rejet croissant des grandes enseignes mondiales.
Toutefois, l’ambivalence réside dans le fait que ce retour aux sources s’accompagne d’une célébration du multiculturalisme ; les créateurs, par exemple, utilisent aujourd’hui des vêtements et tissus typiques de certains peuples du monde pour les mélanger avec d’autres dans des défilés mettant à l’honneur la beauté historique de l’authentique.
On vend alors l’originel dans un gloubi boulga universaliste, en accord avec l’esprit mondialiste des grandes villes.
…récupéré par son contraire : le mondialisme libéral !
Si le rejet du mondialisme ne fait pas de doute, il y a fort à parier qu’au bout du compte, les grandes entreprises, à commencer par les GAFA, les groupes industriels, les grandes enseignes textiles, l’agro-alimentaire, exploitent cette mode du retour à la consommation locale, ancestrale et tangible.
Ce seront donc les marques les plus universelles, celles avec les économies d’échelle les plus importantes, celles qui écrasent tout sur leur passage, qui vendront l’authenticité aux consommateurs qui recherchaient des alternatives locales, éthiques, bio, respectueuses de l’environnement, qualitatives, originales et authentiques.
Quelles conclusions en tirer ?
Que vous soyez entrepreneur ou manager, je vous invite à réfléchir sur cette tendance et à agir en amont dans vos activités et votre business.
Dans l’univers de la mode
On fera la part belle à de nouveaux tissus innovants, éthiques et sans danger pour la santé.
Sur le web et dans le secteur des services
Nous assisterons à l’avènement de l’hypra-local : après avoir chassé les artisans, les boulangers et autres fromagers du coin, les consommateurs les réclameront à nouveau.
Dans l’univers de la franchise
Il faudra envisager de mettre en avant le côté “artisan” et “indépendant” du franchisé, et atténuer au maximum l’image du grand groupe capitaliste et financier qui oppresse l’indépendant.
Dans la food
Un véritable retour aux cuisines ancestrales et authentiques va s’opérer. Selon moi, les prochains à souffrir le plus seront les restaurants de sushis, dont le marché est déjà complètement saturé, les burgers premium, qui auront une image de nourriture malsaine, hybride et originaire du snobisme new-yorkais mondialisé, ainsi que la junk food et les enseignes de fast-food en général.
Seront mises à l’honneur les cuisines régionales, la cuisine italienne – qui est en plein re-boom – les cuisines asiatiques authentiques, la cuisine méditerranéenne et évidemment la cuisine végétarienne et pourquoi pas des cuisines hyper spécialisées comme des restaurants à thème (keto, paléo, etc…).
Limites du modèle authentique
L’un des enjeux pour les entrepreneurs sera de renforcer l’expérience vécue en magasin afin de contrer le mondialisme digitalisé, avec des produits très affirmés, ou des décors immersifs.
Mais dans cette quête d’authenticité, la guerre de l’expérience risque malheureusement d’emmener le consommateur dans un univers en toc, avec un tas d’efforts concentrés sur l’expérience (ou sur l’ethnicité d’un tissu par exemple), mais plus aucun effort consenti sur la qualité du produit ou du service, avec à la clé des parodies de restaurants, de vêtements ou de services.
Exemple : un salon de coiffure ou de beauté très cher où on passera beaucoup de temps à pomponner le client dans un lieu très léché aux frontières du coffee shop, mais où on pêchera sur le rapport qualité / prix et surtout le temps gaspillé pour le client qui risque de redemander du pratique et du fonctionnel. En d’autres termes, le fonctionnel pourrait bien être la tendance d’après…
Sans oublier que dans ce monde nombrilisé et hyper-connecté, le consommateur se veut beaucoup moins fidèle à une marque, et beaucoup plus volatile, tandis que les modes ont des durées de vie de plus en plus courtes, ce qui ne laisse rien présager de bon quand on a investi de grosses sommes dans une décoration hyper immersive et expériencielle.
Conclusion : basez votre communication sur l’authenticité, sans perdre en efficacité et en bon rapport qualité / prix
La promotion de l’authentique en tant que valeur et argument commercial va selon moi inonder le marché. Il faudra donc adapter ses produits et son story-telling pour ne pas prendre la vague en pleine face. Néanmoins, il faudra garder le bon rapport qualité / prix, et ne pas perdre le client dans un univers féérique en toc qui ne survivrait pas à une simple mode.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Est-ce que cette tendance vous donne des idées de projets à entreprendre ?