Hello à tous !
Je profite de ce deuxième confinement pour rédiger une petite note d’aide à tous mes collègues restaurateurs sur la meilleure façon de lancer son propre service de click&collect (donc l’emporter), et son service de livraisons internes, en plus de Deliveroo, UberEATS et consorts. Et par ailleurs, je vous propose une petite réflexion pour savoir si dans le fond, la livraison en propre est vraiment rentable, ou pas.
J’avais déjà fait un post sur la livraison par les apporteurs d’affaires que sont Deliveroo et UberEATS, et ici, je vais rester surtout concentré sur tout ce qui est internalisé. Comme vous avez le voir, lancer son propre système n’est pas une mince affaire et surtout, ce n’est pas forcément la panacée en termes de rentabilité !
Tout d’abord, avant de commencer, il faut bien distinguer deux choses pour vous aider à lire cet article et à avancer dans votre réflexion :
- Il y a l’EMPORTER, qu’on appellera ici également le CLICK&COLLECT. Il s’agit de passer commande et de venir récupérer sa commande (idéal pour les déjeuner en bas du bureau, les boulangeries, ou encore les plats sur demande ou tout autre commerce de détail hors alimentaire).
- Il y a la LIVRAISON, qui peut se greffer au service de Click&Collect, et qui impliquera toute une partie logistique par ailleurs (adresse du client, délais, frais de livraison, et connexion avec d’autres services de livraison, j’y reviendrai).
La livraison et le click&collect ne sont pas indispensables pour tous, c’est pour ça qu’il fallait bien faire la distinction. Le choix de l’outil que vous allez prendre va se faire sur cette base-là : un boulanger ne voudra par exemple pas forcément livrer, et ne prendra pas un outil coûteux et lourd mais quelque chose de plus simple.
Partie 1 – Les meilleurs services de click&collect pour restos, boulangerie, et autres commerces de détail
Avant de voir ensemble la pertinence de ce modèle, je fais un rapide tour d’horizon des services existants de click&collect, puis je vous expliquerai quelle est la méthodologie à adopter. Ca me permet déjà d’avoir une synthèse de l’existant, ce qui va m’aider dans ma réflexion, et puisque je pense à ça, autant en faire profiter tous les restaurants.
Voici donc une liste non exhaustive de solutions de click&collect. Si vous en avez d’autres à proposer, n’hésitez pas à les suggérer en commentaires et je les ajouterai !
Le plus rapide à déployer : celui de votre logiciel de caisse
Normalement, des solutions de POS comme Zelty ou Innovorder par exemple, propose une solution très simple de click&collect à déployer rapidement, et directement connectée à votre caisse, ce qui est une variable ultra-importante pour pouvoir lancer son système de click&collect (nous verrons cela dans la méthodo).
Du coup, regardez déjà dans votre solution de caisse si il existe une solution de click&collect. En plus, il se peut que ce soit proposé à bas prix ou à titre gracieux pendant les périodes de confinement, pour aider les restaurateurs (c’est ce que Zelty fait, voir ci-après).
- Avantages : relié à la caisse, facile à mettre en place, et rapidité de déploiement.
- Inconvénients : ce n’est pas le métier premier d’un logiciel de caisse, donc la solution sera peut-être limitée en termes de fonctionnalités et d’expérience utilisateur, et sera dispo uniquement sur web et web mobile (pas d’app native).
Le cas de Zelty, logiciel de caisse tous-terrains
Zelty, c’est l’un des POS les plus populaires en France. Et pour cause, c’est l’un des plus complets, et l’équipe est orienté à 100% vers l’amélioration permanente de leur outil. A ce titre, Zelty a été parmi les premiers à proposer le Click&Collect en France, et ce dès 2015.
Ensuite, Zelty propose également tout ce qui est gestion de livraisons, avec commande en ligne fournie bien sûr – la même que le click&collect mais avec l’option livraison – et le tout intégré directement à Stuart, le prestataire de livreurs à la demande, ce qui est hyper pratique.
Enfin, ça tombe bien, Zelty offre son outil de Click&Collect gratuitement à tous ses clients, mais aussi aux restaurateurs qui n’utilisent pas la caisse Zelty ! Et ce depuis mi-mars et jusqu’à la fin de l’année au moins. Sans limite de commande (contrairement aux autres), et sans engagement. Il est donc possible d’utiliser le Click&Collect de Zelty, sans avoir à changer de logiciel de caisse. Pratique pour tester le marché !
Flipdish : le plus moderne
Flipdish est la plateforme qui m’a parue la plus séduisante ! Pour avoir testée aussi bien en tant que resto qu’en tant que client consommateur de leur clients restaurateurs, tout y est : emporter, livraison, tableau de bord hyper simple, pas de bugs, etc…
En plus, ils proposent même la création de votre propre appli native, à vos couleurs, moyennant des tarifs pas très élevés !
En revanche, les tarifs sont basés sur une commission et pas un fixe, ce qui, pour un restaurant amené à avoir du volume, risque d’ajouter des frais non négligeables en termes de rentabilité…
- Les plus : offre 360 (app native, site web, web mobile, tableaux de bords, etc…)
- Les moins : tarifs sur commission.
Siouplaît : le plus séduisant
Siouplaît est, à l’instar de Flipdish, l’une des plateformes les plus modernes disponibles sur le marché selon moi. Et pour cause, leur solution intègre aussi bien le click&collect que la livraison, là où la plupart des acteurs sont totalement absents de la partie livraison, qui est il faut le reconnaître, une activité très complexe à gérer en interne. Et chez Siouplaît, la partie livraison semble hyper aboutie.
En effet, Siouplaît fournit un panel d’options très fines, comme la précommande, le paramétrage des zones de livraison, les frais de livraison par zone définie, les minimums de commande par zone, les frais de livraison offerts en fonction d’un certain montant atteint, et même une possibilité d’assigner des commandes reçues aux livreurs, si vous avez une flotte en interne.
Et pour les restaurateurs ou autres commerçants en tous genres qui utilisaient la solution Stuart (coursiers externalisés), Siouplaît est connecté à Stuart !
Et en plus d’être connecté à Stuart, Siouplaît est également connecté à Rushour, la solution de centralisation des commandes, qui permet d’avoir sur une seule et même tablette, l’intégralité des commandes provenant d’UberEATS, de Deliveroo, et donc également de vos commandes internes via Siouplaît ! Hyper pratique.
Question prix, ça démarre à 75€ / mois, sans commission, ce qui est une super offre. Il ne manque plus qu’une appli dédiée, quitte à faire payer un gros coût de développement et un forfait de mise en ligne sur l’app store et le play store, et Siouplaît sera totalement complet. A tester en priorité !
Pulp : une solution de click&collect externalisée
Avec Pulp, vous pouvez créer votre menu en ligne, mais il sera disponible sur une plateforme, comme par exemple Deliveroo ou UberEATS, mais ça ne sera pas votre propre écosystème.
En revanche, si le service vient à être connu, vous aurez plus de volumes, puisque vous ne serez pas seuls dans votre coin, dans intégré à un catalogue de plusieurs restaurants !
Speedle : même philosophie que Pulp
Ici aussi, si j’ai bien compris, c’est un « Deliveroo de l’emporter », pour faire simple. Il ne s’agit pas d’internaliser vos clients à emporter, mais d’utiliser une plateforme d’emporter avec d’autres restaurants. A essayer.
Click-Eat, l’un des pionniers
Click-Eat étaient l’un des premiers à proposer ce service de click&collect. Si les premiers résultats étaient balbutiants à l’époque, l’outil est aujourd’hui beaucoup plus abouti, et énormément de restaurants ont adopté leur solution.
En plus, Click-Eat propose également la livraison pour les restaurants qui le souhaitent : vous créez vos propres zones de livraison, en précisant vos tarifs (frais de livraison) et vos livreurs. Les commandes tombent dans un dashboard, et vous gérez votre menu en ligne depuis votre compte administrateur.
En plus, l’avantage principal d’utiliser click-eat, c’est sur le plan financier. Ils ont eu la bonne idée de proposer une offre sans engagement qui soit commissionnée, et qui vous permet donc d’utiliser l’outil pour le tester, et si jamais c’est prometteur, vous pouvez partir sur une offre d’un an, fixe, à 59€, et non commissionnée, ce qui est absolument rentable si vous avez un certain volume, puisque vous amortirez facilement ces 59€.
Je n’ai pas testé cette solution, mais elle a l’air très prometteuse !
Wysifood
Wysifood est un des acteurs intéressants à suivre dans ce domaine, puisqu’ils proposent aussi bien l’emporter que la livraison, et leur site propose une démo en ligne assez convaincante et très esthétique.
Proposer des démos rapidement est un super argument commercial pour savoir sans y passer trop de temps où l’on met les pieds. Vous pouvez paramétrer vos zones de livraison, proposer évidemment le click&collect, mais aussi proposer un service de réservation de tables sur place, et selon leur site, synchroniser les commandes avec votre logiciel de caisse (mais ils ne précisent pas sur quels POS ils sont intégrés ?).
En revanche, aucune idée des tarifs.
ZenChef, l’historique de la réservation de tables
A l’origine, ZenChef est connu pour son outil très pratique de réservations de tables, qui permettait aux restaurateurs d’internaliser leurs réservations, en proposant surs leurs propres site web un module pour réserver une table.
C’était un outil très pratique pour les restaurants « classiques » qui ne sont pas adaptés à la livraison ou au click&collect, et ça avait l’avantage de se « défourchettiser », ou en d’autres termes, ne pas être dépendant à 100% de La Fourchette , qui ponctionne 2€ / client, ce qui est relativement injuste pour les restaurants à paniers moyens bas.
Parenthèse. En effet, dans une stratégie entrepreneuriale, il faut toujours tester des solutions alternatives afin d’essayer autant que possible de ne pas mettre ses œufs dans le même panier. Les entrepreneurs du digital qui faisaient leur beurre uniquement avec le SEO de Google l’ont parfois appris à leur dépens lorsque les réseaux sociaux sont arrivés, mais aussi les hôteliers avec Booking, etc…
Depuis, ZenChef a lancé son service de Click&Collect, sans service de livraison il me semble, et pendant le confinement, la solution est gratuite.
J’imagine que c’est une solution très simple, uniquement tournée web et web mobile, et avec une notification envoyée au client lorsque la commande est acceptée et/ou qu’elle est prêt via SMS et/ou mail, ce qui est déjà pas mal pour la plupart des petits commerçants.
Je ne l’ai pas testée, je ne sais pas ce qu’elle vaut, mais à tester !
TastyCloud : historiquement commande sur tablette
Là encore, nous sommes sur un « pivotage » d’un acteur dont le cœur de métier est, tout comme son concurrent Tabesto, de fournir des tablettes de commandes à la McDo mais plus jolies, plus mobiles, et surtout moins chères.
Mais depuis, TastyCloud propose désormais à ses clients une solution de Click&Collect gratuitement intégré à votre site web. Evidemment sans app native, ce n’est pour l’instant pas leur métier, mais c’est déjà super. Par ailleurs, TastyCloud propose également le fameux cahier de rappel, le menu via QR Code, et le tout est relié à votre caisse, à savoir les plus connues : Zelty, Popina, Tiller, iKentoo, etc…
A tester !
GloriaFood : testé et (presque) approuvé
J’ai testé GloriaFood en profondeur car en théorie, c’est l’outil ultime pour tous les restaurants de petite et moyenne taille. Ils proposent l’emporter, la livraison, la réservation de table, les applications natives, une offre gratuite pour essayer, le tout à des prix défiant toute concurrence.
En plus, la création de votre système de click&collect et de livraison est ultra-simple, vous n’avez pas à discuter avec un commercial, il n’y a rien de nébuleux, c’est vraiment du plug&play.
Le problème, et il est de taille, c’est l’expérience utilisateur assez archaïque, avec notamment une variable éliminatoire selon moi qui est la partie où le client rentre son adresse de livraison. En effet, Gloriafood n’utilise pas d’auto-complétion, c’est donc hyper étrange lorsque le client rentre son adresse, car il doit ensuite déplacer une épingle sur une carte pour confirmer son adresse, ce qui entraîne un changement d’adresse.
Je leur avais déjà fait part de ce problème, mais ils n’ont pas voulu intégrer l’auto-complétion, ce qui, en 2021, est rédhibitoire… C’est bien dommage, car sur le papier, c’était la meilleure solution pour débuter dans le click&collect et surtout la livraison !
Partie 2 – Quelle méthodologie pour choisir et lancer son propre service de click&collect ?
Plusieurs variables rentrent en jeu, en fonction de vos problématiques. Si vous n’y connaissez pas grand chose, voici la façon dont il faudrait selon moi réfléchir pour commencer votre digitalisation sans aller n’importe où, avec un service ou une start-up qui ne serait pas adaptée à votre profil.
Question 1 : emporter ou livraison ?
La première question à laquelle il faut que vous répondiez, c’est de savoir si votre affaire a besoin seulement de lancer son service d’emporter, ou de faire d’une pierre deux coups avec une service de livraison.
Si par exemple vous êtes une boulangerie, à moins d’être une pâtisserie célèbre dont les clients voudraient commander des galettes des rois en ligne pour l’épiphanie, si la majeure partie de votre CA consiste à vendre des croissants et des menus sandwichs ou salades le midi, mieux vaut se tourner vers une solution uniquement « click&collect » et pas de livraison, car les problématiques de livraison (logistique, coûts, etc) seront bien trop lourdes à supporter et pas vraiment adaptées.
Si en revanche, vous êtes une enseigne de pizzas avec une forte identité et une clientèle extrêmement fidèle, alors vous avez tout à gagner à parier sur une solution couplée de click&collect et de livraison.
Question 2 : appli native ou web et web mobile ?
Une fois que vous avez choisi votre canal de distribution, il vous faut choisir le support sur lequel vous allez « parler » à vos clients. Et là encore, je vous propose de raisonner par des exemples concrets :
- Si vous êtes un bar à salade ou un food truck indépendant et que vous cartonnez le midi en bas d’une zone à forte densité de bureaux, la question d’une appli dédiée, lourde en termes de développement, et que vos clients n’utiliseront « que » lorsqu’ils seront employés dans votre zone de chalandise, ne se pose quasiment pas. Autant leur donner dans un premier temps votre site web, pour qu’ils puissent commander depuis leur bureau sur leur ordinateur.
- Si vous êtes une marque moyenne ou grande avec plusieurs enseignes dans une même ville, voire dans un pays ou dans plusieurs pays : misez tout sur une app native ! Elle sera utilisée par vos clients fidèles quelque soient leur localisation.
Question 3 : quelles intégrations ?
Imaginons que vous êtes désormais arrêté sur le canal de distribution, ainsi que les supports. Lorsque vous comparez les différents prestataires qui « matchent » avec ces deux variables, l’une des choses les plus importantes est de regarder comment vous allez traiter les commandes, à la fois sur le plan pratique et sur le plan comptable !
En effet, si les commandent tombent dans une boîte mail, qui n’est pas consultée, qu’en plus il y a de la livraison à gérer, qu’il faille ensuite copier-coller les infos de livraison pour votre prestataire de livraison, ou les envoyer manuellement à votre livreur : c’est l’usine à gaz. Vous allez mal livrer, et vos clients ne recommanderont pas. Sans parler de retaper les commendes manuellement en fin de journée dans la caisse.
Il faut donc choisir un prestataire :
- Qui est intégré à votre logiciel de caisse (quitte à en changer)
- Qui est éventuellement connecté à un agrégateur de plateformes de livraisons. Par exemple, Flipdish, un outil de click&collect, est intégré à Otter, un agrégateur qui syndique les commandes UberEATS, Deliveroo et donc Flipdish, et qui permet donc d’avoir tout au même endroit, et d’imprimer les tickets en cuisine automatiquement. Pratique, donc : ça ne résoud pas l’intégration au POS, mais au moins en termes de préparation cuisine, on est au top puisque tout le monde sait qu’une commande est tombée et qu’il faut la préparer.
- Si pas d’agrégateur de plateformes, un presta qui fournit éventuellement une APPLICATION restaurant : c’est-à-dire une tablette qui, à l’instar de Deliveroo et UberEATS, sonne et vous préviens lorsqu’une nouvelle commande interne tombe. Une fois validé, idéalement elle part dans le logiciel de caisse pour impression, sinon au moins relié à une imprimante bluetooth. Cette application pourra également permettre l’assignation à vos livreurs si vous avez une flotte.
- Un presta qui est intégré aux plateformes de coursiers à la demande (Stuart et ZitiCity par exemple). Certains agrégateurs le font aussi, tout comme certains logiciels de caisse (comme Zelty connecté à Stuart).
- Un presta qui informera le client final sur l’avancée de sa commande : si app native via des push, si web via SMS ou mail, etc…
- Etc…
Les intégrations sont hyper importantes car elles seront garantes d’un système hyper bien huilé, qui vous permettra de recevoir les commandes, les traiter, les comptabiliser en caisse, les envoyer au livreur, etc… Ca évitera de « zapper » des commandes, ou mal les traiter, etc…
Exemple de méthodologie
Je donne juste un exemple pour bien illustrer tout ce bazar. Ainsi, vous pouvez écrire un schéma logique et séquentiel de cette façon, en remplaçant les solutions proposées ici par vos propres choix et problématiques :
- L’enseigne décide de partir sur une solution web, web mobile + app native
- Le client passe commande sur web, et recevra les notifs par mail ou SMS. S’il télécharge l’appli, il aura les notifications par push (plus économique, via notamment l’outil One Signal, parfois intégré à certains prestas). Il bénéficiera même d’un code promo pour sa première commande !
- Selon sa zone de livraison, c’est tel ou tel resto qui reçoit la commande sur une tablette qui sonne (très important). Le resto valide, le client reçoit une notif, et le resto prépare.
- Une fois la commande prête, le resto n’a plus qu’à cliquer sur un bouton pour appeler un coursier Stuart, qui vient récupérer la commande et qui a déjà toutes les infos sur son app Stuart.
- Le client final est prévenu par push que la commande est bien partie du restaurant une fois que le restaurateur « solde » la commande.
- Si jamais le restaurant passe par une flotte interne, certains prestataires proposent même la partie livraison, où en gros le client voit le livreur assigné, et peut le suivre sur la carte, etc… Là, on est dans du « cloning » d’UberEATS et Deliveroo, mais ça coûte très cher.
Une fois que vous avez résumé votre parcours idéal, vous pouvez choisir vos prestas. Parfois, il faudra faire une croix sur certains services, trop coûteux ou par exemple pas fournis par tel ou tel presta. Et surtout, ne pas faire un truc trop abouti, coûteux et compliqué dès le départ si vous êtes une enseigne petite ou moyenne…
Partie 3 – La rentabilité d’internaliser ses commandes
Vouloir internaliser ses commandes, et surtout ses livraisons, plutôt que de passer totalement par des tiers, est-ce rentable ? Et si non, faut-il le faire quand même ? Voici quelques réflexions, qui valent ce qu’elles valent…
Concernant la livraison en propre
Lorsque vous vous lancez en livraison, comme je l’avais déjà expliqué dans un précédent post, la problématique va être la rentabilité (outre le succès commercial). Vous pouvez avoir beaucoup de commandes, mais si le client ne paie pas le « vrai » prix, vous pouvez aussi creuser votre tombe.
En effet, à moins de faire de la pizza par exemple, si votre taux marchandises et votre taux de main d’œuvre sont élevés, votre nourriture n’est pas faite pour la livraison, à moins que le client final veuille bien payer le prix.
Or, nous assistons à un paradigme très cruel dans le monde la livraison de nourriture, c’est que la valeur perçue du client est souvent bien en-dessous de la valeur réelle. Du coup, le client n’est pas prêt à payer le prix réel que coûte le produit avec la commission de livraison, et les restaurateurs, pour compenser le manque de volume, et en quête de succès commercial, se tirent dessus à boulets rouge en se faisant une guerre des prix.
Du coup, pour ne pas tomber dans ce piège, et quitte à avoir moins de volume, lorsque vous lancez votre menu en livraison, le plus important est d’abord de fixer un prix qui soit cohérent avec votre coût matière, et le coût qu’il a fallu dépenser pour transformer le produit (machines, main d’oeuvre, etc), et donc s’assurer une marge. En plus, avec le système uberisé, et donc une commission fixe souvent de 30% par commande, c’est plus facile de calculer une marge nette de commission, là où à l’époque, la rentabilité dépendait du nombre de commandes qu’un livreur de pizzas en CDI allait prendre dans son top-case. Dans l’ancien modèle, la charge fluctuante relative au volume des ventes était principalement le coût des livreurs internes. Dans le nouveau modèle, la charge fluctuante est uniquement les charges de personnel dédié à la cuisine et à la préparation des commandes, celle-ci sera en proportion plus ou moins élevée en fonction de votre chiffre d’affaires. D’ailleurs, celle-ci pourra potentiellement s’élever (au lieu de diminuer) à un moment donné où vous serez obligé de staffer davantage face à une élévation des ventes, vous serez dans un entre-deux assez contraignant, un peu à la manière dont les fourchettes d’impôts fonctionnent.
En interne, contrairement aux commandes passées via les apporteurs d’affaires et qui imposent une commission fixe, le calcul est un peu différent, car on est dans un système hybride en termes de charges. Voici les différents frais que vous devrez prévoir.
Si vous passez par un système de coursier à la demande, disons Stuart par exemple (je ne vous conseille pas mais bon…), vous allez devoir assumer :
- 7,20€ minimum pour un petit resto qui n’a pas négocié de gros volumes (Pas de TVA avec Stuart car ce sont des auto-entrepreneurs il me semble).
- Les frais CB d’un intermédiaire bancaire comme Stripe, qui s’élèvent généralement à 1,4% + 0,25€, soit environ 0,53€ pour un panier moyen d’environ 20€ (je fais à la louche !).
- Ce qui fait environ 7,73€, parfois 8€, et même parfois bien plus si votre commande se situe plus loin, car le coût du Stuart augmente.
Si les frais totaux s’élèvent à 8€, ça donne environ une « commission théorique » de 8€ / 20€ = 40%. L’internalisation vous coûte donc plus cher que de passer par des apporteurs d’affaires. Et en plus, peut s’ajouter à cela :
- Une commission de quelques pourcents de votre prestataire (cf Flipdish par exemple)
- Ou un abonnement fixe, qui s’il est élevé (disons 100 ou 180€ / mois pour certains prestas hyper aboutis), vous impose un certain volume de commandes pour l’amortir.
Concernant l’emporter
A priori, les solutions de click&collect sont peu coûteuses et faciles à déployer. On peut donc les mettre en place sans prendre trop de risques. En revanche, l’utilisation par le consommateur est pour l’instant marginale.
De plus, la fidélisation et la rétention client sur ce genre de plateformes sont proches de zéro, car celles-ci n’ont pas de véritable éco-système, permettant de garder le client dans un univers et une application native pratique. Ce sont souvent des pages web et web mobile, qui pour l’instant sont assez limitées sur le plan technique et fonctionnel, et à partir desquels l’envoi de push, l’enregistrement des infos bancaires, etc… sont difficilement possibles.
En revanche, avec la démocratisation du PWA, un nouveau format d’application pour smartphones plus universel, des choses seront peut-être possibles, encore faut-il que Apple accepte d’intégrer ce format dans son Store, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, contrairement à Google et Android sur le Play Store.
Conclusion : que faire ?
Partons d’hypothèses ultra-optimistes pour que vous compreniez ma logique. Si vous avez (ou que vous pensez avoir à terme) certaines des variables suivantes :
- Un panier moyen élevé (produits de qualité et/ou très bonne valeur perçue de vos produits et de votre marque)
- Un gros volume (produits appréciés et/ou médiatisés)
- Des clients proches (livraison moins chère, quelque soit la solution adoptée, coursiers externes ou internes, le mieux étant souvent de faire un mix pour gérer les pics d’activité)
- Une solution de commandes internes qui ne vous commissionne pas sur chaque commande
- Des clients prêts à payer des frais de livraison conséquents par ailleurs, tellement ils sont addicts à vos produits (Cf McDo et leur appli interne, qui passe par Stuart pour la livraison)
Alors là, vous êtes le roi de la livraison et du click&collect, et votre activité en ligne devrait être à peu près rentable, au moins à l’équilibre.
Maintenant, si vous ne réunissez pas toutes ces conditions, quel choix faire ? Tout dépend de la solidité de votre structure, de ce que votre enseigne vend, de vos croyances sur l’avenir de vos produits et du marché, et du pari que vous souhaitez faire. Là aussi, je vais raisonner par l’exemple :
- Si vous pensez que vos produits ont un fort potentiel en livraison (produit novateur et addictif, peu de concurrents, forte identité graphique et visuelle, etc)
- Si vous pensez que vous avez une propension à vous développer de façon horizontale avec plusieurs locaux
- Si vous pensez que le marché de la livraison ou du moins de la commande en ligne pour emporter va exploser où vous êtes implantés (en France, la livraison est encore à la peine par rapport à d’autres pays)
- Si vous pensez que votre produit se conserve bien lors d’un trajet
- Si vous faites le pari que votre marque va devenir assez forte pour que vos fidèles clients téléchargent votre propre application
- Etc…
Alors oui, un investissement financier et humain pour déployer une solution de livraison et de click&collect en propre, même si au départ cela n’est pas rentable, vaut la peine d’être tenté.
A l’inverse :
- Si vous commercialisez des produits « standards » (même de qualité, ça n’est pas incompatible) avec peu de barrières à l’entrée.
- Un panier moyen bas
- Une mono-enseigne sans intention de se développer davantage
- Une offre très utilitaire et pratique basée sur du volume pendant un temps court
- Etc…
Il est peut-être plus prudent, dans un premier temps, de se tourner vers des solutions simples, déployables rapidement, peu coûteuses, comme certaines que j’ai évoquées au début de cet article, afin d’y aller en douceur, de ne pas perdre trop de temps et d’argent pour quelque chose qui ne va pas rapporter de trésorerie, et de tâter le terrain et voir s’il y a une demande pour le click&collect (hors covid, rien n’est moins sûr…).
Voilà, c’est un post qui est le fruit de mes réflexions actuelles, ô combien d’actualité avec la digitalisation de la restauration et surtout la crise du covid-19. Et à celles et ceux qui continueraient de jouer l’unique carte des apporteurs d’affaires, voire des dark kitchens (je n’ai rien contre, mais dans le cadre d’une diversification), je dis juste « attention », dans le sens où avec ce système, il y a désormais peu de barrières à l’entrée, une guerre des prix dévastatrice et une dépendance dangereuse envers des tiers. Finalement, nous allons peut-être revenir aux fondamentaux d’ici quelques temps, un peu comme ce qui s’est passé sur Internet ces cinq dernières années : après avoir été chahutés, les plus gros ont fini par bouffer les petits.
N’hésitez pas à rebondir et à me donner votre avis en commentaire, je serais curieux d’échanger avec vous sur la transformation et la digitalisation du retail, et les différentes stratégies de survie et de développement à adopter en fonction du cœur de métier !
Enfin, si vous avez d’autres solutions de click&collect et de livraisons à proposer que je n’aurais pas listées, n’hésitez pas à les partager afin que je les ajoute à l’article !!
Merci et bon courage à tous les restaurateurs 🙂
Réponses 3
Billee
intégré avec bcp de caisse et propose en plus du C&C, le paiement à table, la commande à table et le meal beeper dématérialisé (pas mal pour préparer la réouverture)
http://www.billee.fr
Hello,
Bel article Ziyad. 🙂
Cependant je me permets de rectifier la chose suivante :
Clickeat , Pulp( partoo food), flipdish ou les autres interfaces de commandes ne font pas « eux même » la livraison.
Les commandes « livraison » sont rebalancées vers STUART (groupe LA POSTE).
STUART a d’ailleurs longtemps été la seule alternative. Aujourd’hui d’autres acteurs émergent comme « HOP »
Bien à vous
Merci pour la précision, c’est évident pour moi mais c’est vrai que ça ne l’est pas forcément pour tout le monde, et je ne connaissais pas HOP, merci pour le partage !