Sommaire
Maintenant que nous avons défini le contexte au travers des différentes définitions liées aux médias sociaux, voyons quels sont les enjeux et l’intérêt pour les entreprises de prendre la mesure du Social Media, en l’intégrant à la stratégie de l’entreprise.
Conséquence de l’avènement du Social Media
Sur le plan “sociologeek”
– La notion de “consommacteur” prend une nouvelle dimension 2.0.
– L’accès facilité et généralisé au savoir et sa mutualisation.
– L’évolution perpétuelle de ce savoir par l’échange simplifié entre des acteurs éloignés géographiquement et culturellement.
Nous assistons donc à un “tournant expressiviste” tel qu’évoqué par la sociologue Laurence Allard. A ce titre, le magazine américain TIME désigne “vous”, les internautes qui génèrent du contenu sur le web, personnalité de l’année 2006 :

“You”, alias les internautes générant du contenu sur Internet, sont la personnalité de l’année 2006 selon le magazine TIME.
« Il y a des individus que nous pouvons choisir parce qu’ils sont responsables d’une série d’événements parfois douloureux ou même violents qui affectent la vie de milliers de personne. Mais nous pouvons aussi regarder 2006 avec une perspective différente et voir l’histoire d’une communauté informatique qui collabore comme jamais auparavant, que ça soit dans le savoir de l’encyclopédie en ligne Wikipedia, dans toutes les vidéos publiées sur YouTube ou dans la métropole virtuelle qu’est MySpace. Vous avez saisi les rennes des médias, vous avez fondé et créé les règles de la nouvelle démocratie numérique, vous avez battu les professionnels de l’information à leur propre jeu et, pour toutes ces raisons, vous êtes la personnalité de l’année 2006 ».
Rédacteur en chef du TIME Magazine.
Le TIME avait déjà désigné des personnalités qui ne soient pas des individus, et qui ont marqué une époque. En 1966, les jeunes de moins de 25 obtenaient le titre, avant les femmes américaines en 1975 et le PC en 1982.
Pour les entreprises
– Le Social Media est l’occasion d’interagir avec ses parties prenantes : prospects, clients, fournisseurs, etc…
– E-réputation : le Social Media est l’occasion pour les consommateurs d’échanger et de donner un avis sur l’entreprise, ses produits et ses services.
– Les médias sociaux peuvent offrir l’opportunité de développer et diffuser davantage la marque employeur (problématiques d’image d’une marque à l’égard de ses employés et potentiels employés).
Pour l’entreprise, le Social Media représente donc à la fois une opportunité et un risque potentiel.
Mieux vaut prévenir que guérir
Comme nous l’avons vu précédemment, les médias sociaux ont permis aux consommateurs de discuter entre eux, d’émettre des avis publics, et de mutualiser leurs constatations. Par conséquent, le Social Media est une opportunité (sinon une obligation) pour accompagner le lancement d’un produit ou d’un service par exemple en initiant le débat avec ses consommateurs, par soucis de prévention. A l’inverse, un déficit de communication peut entraîner une incompréhension de la part des consommateurs et un bad buzz.
Le cas Instagram
Lundi 17 décembre 2012, Instagram fait une modification importante dans ses conditions d’utilisation, en ajoutant notamment la phrase suivante :
“Vous acceptez qu’une entreprise ou toute autre entité puisse nous payer pour afficher votre nom d’utilisateur (…) et vos photos en lien avec des contenus publicitaires ou sponsorisés, sans que cela vous donne droit à une compensation.”
Les images publiées par un utilisateur pouvaient donc être utilisées dans le cadre de campagnes publicitaires, aussi bien au sein d’Instagram que de Facebook, sans que l’utilisateur soit consulté. Un changement qui n’a pas manqué de provoquer un véritable tollé au sein de la communauté Instagram, au point de générer un bad buzz et de forcer les dirigeants à faire machine arrière.

En voulant changer ses conditions d’utilisation sans mesurer en amont le risque potentiel de bad buzz, Instagram aurait perdu la moitié de ses fidèles.
Cette modification a entré une chute importante du nombre d’utilisateurs de l’application. Le nombre d’utilisateurs quotidiens est passé, selon App Stats, de 16,3 millions le 17 décembre à 7,4 millions le 14 janvier. En quelques semaines, le chiffre a donc été divisé par deux. La tentative par Instagram d’utiliser le contenu généré par les utilisateurs à des fins publicitaires a donc eu pour conséquence directe une diminution forte du nombre de ses utilisateurs.
Sur le web, tout finit souvent par se savoir. Alors plutôt que de jouer avec le feu, mieux vaut se mettre d’accord avec son directeur de la communication et son service marketing sur une version de l’histoire à raconter. Si la stratégie globale décide de tel lancement de produit, tel partenariat ou telle modification impactant une ou plusieurs parties prenantes de la boîte, cela implique alors de réunir l’Etat major de l’entreprise afin de les sensibiliser à l’accueil que telle ou telle décision aura sur ces parties prenantes. Cela s’appelle tout simplement de la gestion des risques.
“Les paroles s’envolent, les écrits restent”.
Proverbe français.
Le Social Media pousse donc l’entreprise à plus de transparence. En accompagnant telle ou telle modification substantielle par une annonce, un statut Facebook, une Foire Aux Questions, un forum, l’entreprise ouvre le débat, ce qui a deux effets positifs :
– L’entreprise collecte les doutes, craintes, questions et expériences des utilisateurs.
– Elle permet aussi – plus sournoisement j’en conviens – de contrôler le débat. En évitant aux utilisateurs d’aller se plaindre ailleurs, elle les invite à venir à la source, et maîtrise, bon an mal an, le flux de commentaires négatifs.
Astuce : ne montrez pas vos points faibles à tout le monde
Mieux vaut guérir que mourir
Les Social Media n’est pas qu’un moyen de prévention. C’est également un outil de réaction. Ainsi, les médias sociaux peuvent être utilisés pour corriger le tir, informer sur un produit mal compris ou une information mal perçue.
« Les paroles s’envolent, mais les coups restent. »
Proverbe anglais.
Si la prévention n’a pas ou mal été faite, ou si un évènement imprévisible vient pointer le bout de son nez, on peut utiliser les médias sociaux pour tenter de colmater la plaie, voire de sortir grandi de l’expérience.
Face à un évènement, et selon la stratégie Social Media définie en amont, on a alors intérêt à attendre plus ou moins longtemps avant de réagir. Si un évènement préjudiciable pour notre image de marque tend à ne pas se médiatiser – c’était le cas lorsqu’il n’y avait que les médias traditionnels, et que la médiatisation ou pas dépendait d’intérêts privés – on peut envisager ne pas réagir, ou attendre de voir si le risque de médiatisation augmente avant de tourner les projecteurs vers soi.
Néanmoins, reconnaître l’évidence et agir avant même que les consommateurs nous demandent des explications est vu comme quelque chose de positif par ces derniers.
Cas du Social Media en gestion de crise : le scandale Dior / Galliano
Le scandale Dior / Galliano est un bon exemple car d’un côté la crise est née sur les médias sociaux, et de l’autre côté, Dior a fait preuve d’une très grande réactivité via ces mêmes médias sociaux.
Dans la soirée du 24 février 2011 à la terrasse d’un café parisien, John Galliano sous emprise de l’alcool a une altercation avec deux individus, et fait l’objet d’une plainte pour violences légères et injures à caractères raciste et antisémite. Cependant, Galliano nie les faits en bloc et porte plainte à son tour pour insultes et diffamation.
Le 25 février 2011, soit le lendemain à peine, Dior réagit promptement en suspendant John Galliano dans l’attente des résultats de l’enquête. Là où Dior innove, et de manière très sournoise (ou subtile), c’est que l’enseigne réagit extrêmement rapidement, avant même que des preuves ne soient médiatisées, et sur le réseau social Facebook.
Que l’enseigne ait su que des éléments à charge allaient être publiés, ou qu’elle en ait profité pour écarter son créateur excentrique devenu peut-être trop encombrant, il n’en reste pas moins qu’elle a intelligemment utilisé un média dit social – en l’occurrence Facebook – afin de se désolidariser totalement des propos de John Galliano.
Cette stratégie de communication de crise s’est avérée payant, puisque le 28 février 2011, une vidéo est mise en ligne sur Internet où l’on voit John Galliano proférer des insultes à caractère raciste et antisémite. La scène date de 2010 et n’est pas celle du 24 février 2011. Il a fallu seulement quelques heures pour que la vidéo fasse le tour du monde, signant l’arrêt de mort médiatique du créateur.
Natalie Portman, célèbre actrice internationale et nouvelle égérie des parfums Dior, condamne publiquement et fermement les propos de John Galliano dans un communiqué de presse envoyé au journal The New York Times.
Dior maintient donc sa stratégie initiale, en engageant une procédure de licenciement à l’encontre de John Galliano. La maison rappelle d’ailleurs qu’elle avait “immédiatement suspendu ses relations avec son styliste dans l’attente des résultats de l’enquête”.
Ainsi, non seulement Dior a compris la menace que pouvaient représenter les médias sociaux dans une gestion de crise – dans ce cas précis les plateformes de vidéos sur lesquelles étaient hébergées la vidéo du dérapage de Galliano, les blogs et sites d’actualités qui s’en faisaient l’écho, ainsi que les réseaux sociaux qui partageaient la vidéo – mais l’enseigne a également su utiliser ces médias sociaux pour se désolidariser de son styliste et sauver son image de marque. Dans le même temps, elle a même profité pour bénéficier d’un motif de licenciement.
Ce cas nous montre combien il est important de prendre la mesure de la puissance des médias sociaux, et de s’en faire son allié. Là où une autre enseigne aurait mis une semaine à réagir, Dior a sauvé la face et a même profité de l’occasion pour transformer cette apparente crise en opportunité !
-> Lire la synthèse intégrale du cas Dior / Galliano.
Contre-exemple : le cas Free / Adblock
Enfin, il y a aussi le cas particulier où face à un bad buzz par exemple, le décideur stratégique peut faire le choix de ne pas communiquer, ou de le faire bien plus tard, s’il considère que cette mauvaise publicité est en fait une bonne publicité à moyen ou long terme pour l’entreprise (“Parlez de moi en bien ou en mal, mais parlez de moi”) ou un moyen de faire monter la sauce afin de faire passer un message.
Ainsi, lorsque Free décidé début 2013 de bloquer les publicités par défaut pour les détenteurs de la Freebox, c’est une avalanche de critiques – provenant des éditeurs – qui s’abat sur Xavier Niel. Pourtant, ce dernier décide de garder le cap pendant plusieurs jours, avant de faire machine arrière, l’objectif ayant été atteint : faire passer un message à Google, et médiatiser le différend qui les oppose auprès du pouvoir politique et de l’opinion publique. Mission accomplie.
Si dans le cas de Free et de l’affaire AdGate, le silence de Xavier Niel était volontaire, le cas de Dior avec l’affaire Galliano était tout autre. Il s’agissait là de répondre bien et vite, afin de ne pas mouiller la marque aux dérapages de son styliste.
L’interaction par les médias sociaux
Nous avons vu dans les deux points précédents que les médias sociaux permettaient aux organisations de prévoir et de réagir face aux évènements qui surviennent dans la vie de leur relation client et de leur communication.
Au-delà de ces évènements dont la survenance est plus ou moins prévisible, l’entreprise peut (doit) interagir de manière régulière avec ses parties prenantes via les médias sociaux. L’établissement d’une stratégie Social Media intégrant un argumentaire et une manière de communiquer aux tiers peut constituer un facteur clé de succès organisationnel et marketing, en permettant notamment :
– de faire du service après-vente
– de collecter des renseignements sur les consommateurs et de mieux les informer (CRM)
– de viraliser la marque en faisant interagir ses parties prenantes, et en transformant ses clients en ambassadeurs ou du moins en “porteur d’enseigne”.
Vu les éléments décrits ci-dessus, le fait de maîtriser le Social Media peut constituer un facteur clé de succès, car il est :
– une nouvelle façon de communiquer
– une manière de mieux satisfaire ses clients ou du moins de collecter leurs feedbacks.
– un moyen de transformer de nouveaux prospects en clients par un nouveau canal de communication
– et donc en somme un atout non négligeable pour la pérennité et le développement d’une entreprise, dans un contexte où l’usage du numérique par les consommateurs est en pleine explosion.
Récapitulatif des objectifs et intérets d’une stratégie Social Media en entreprise
- Faire de la maîtrise des canaux numériques un Facteur Clé de Succès pour l’entreprise.
- Améliorer son audience et augmenter sa visibilité.
- Développer une image de marque en ligne
- Transformer ses prospects en clients
- Créer une communauté et en tirer profit (fidélisation, entraide, ambassadeurs de marque)
- Elargir sa cible
- Gérer des situations de crise
- Diminuer ses coûts de publicité